Les grimpeurs français Pierre Labbre, Mathieu Détrie, Matthieu Maynadier et Jérôme Para réalisent la première de la face Sud du Gauri Sankar ( 7134m Népal) le mercredi 23 octobre.
Le récit de expédition.
Après un passage obligé par Katmandu un bus amène les alpinistes au pied de la vallée de Rolwaling, vallée Sherpa située à l’ouest du Khumbu.
15 jours vont être dédiés à l’acclimatation dans la vallée avant d’installer le camp de base pour l’objectif principal, le Gauri Sankar, début octobre. Village de Na, à 4200m, « bivouac de fortune » dans le salon d’une famille Sherpa pour la durée de l’acclimatation. Comme souvent dans ces vallées, beau temps le matin, couvert en fin de journée et pluie la nuit.
Acclimatation « découverte » à 5500m :
Au bout du glacier, nous avons du mal à trouver un passage dans ce terrain chaotique et même parfois exposé. En plus de cela, nous avons marché 4h lourdement chargé et nous n’avons toujours pas pris un mètre de dénivelé !
Nous comprenons alors que nous avons bien fait « de la peine », comme on dit chez nous !!!
Le mauvais temps aura raison des autres tentatives d’acclimatation, il est temps pour l’équipe d’alpinistes de prendre la direction du camp de base du Gaurishankar.
Après avoir récupéré le matériel et les porteurs, dès le début de la marche d’approche les premières difficultés sont là : des pentes d’herbes très raides ou il faut équiper les passages les plus risqués sous la pluie malgré l’incroyable équilibre dont font preuve les Sherpas dans ces difficultés.
Le camp de base est atteint à 3800 m, c’est la fin pour les porteurs qui refusent de poursuivre plus haut.
Toujours du mauvais temps, un créneau semble se dessiner le 10 octobre pour faire une reconnaissance du pied de la voie et faire un dépôt de matériels.
Une nuit au pied et c’est vers 5h que nous décollons du bivouac. Le début se passe plutôt bien jusqu’à l’attaque de la cascade, qui marque le début des difficultés. Le soleil commence à chauffer dans cette face sud et la qualité de la glace s’en trouve altérée. En plus de cela, nous avions imaginé des longueurs beaucoup moins raides. Encore une fois la taille et la verticalité des montagnes himalayennes nous surprennent ! Après une longueur de glace raide et délicate, nous trouvons un emplacement de bivouac correct (photo 7). Il est tôt, et malgré la chaleur, nous voulons encore continuer de grimper. Nous sortons de la cascade et attaquons des pentes de neiges encore bien raides. Très vite les cumulus sont de retour et nous donnent quelques flocons de neige. Très vite les spindrift (petites avalanches) laissent place aux flocons et nous pousse à faire demi tour. Nous sommes à 5800m et la suite, quoique plus difficile que prévu est bien encourageante. Nous redescendons donc au bivouac, 200m plus bas et nous commençons le terrassement pour placer nos 2 petites tentes. Un lever très tôt nous permet de descendre jusqu’au camp avancé sans voir tomber de projectiles. Nous sommes un peu déçus de n’avoir pas grimpé un peu plus haut, mais au moins, pour la prochaine tentative, nous avons laissé un peu de matériel et tout sera plus optimisé.
Retour au camp de base, cela fait 5 semaines que l’équipe est au Népal pour seulement 2 jours de beau ! Le temps est passé très vite et il reste seulement 10 jours pour pouvoir avoir un créneau météo, la tension est palpable.
A une semaine de la fin, notre routeur nous annonce une hypothétique fenêtre de beau temps. On se décide à partir dès que possible, tout est prêt. Il doit neigeoter un peu le jour de notre montée au camp avancé, on décide de prendre une tente pour nous abriter. Lever 2 heures, sous un étrange silence. On entrouvre la tente, en fait, il neige, déjà 15 centimètres de neige tout autour de nous. Impossible de partir dans ces conditions. On décide d’attendre un peu et de se relever à 3h, puis à 4h, puis à 5h… Toujours beaucoup de neige, il est vraiment impossible de grimper. L’ambiance dans la tente est au plus bas, nous sommes vraiment démotivés. Nous décidons d’appeler notre routeur, il nous reste 6 jours avant l’arrivée des porteurs et nous sentons que nous ne pourrons même pas tenter notre chance… horrible !
S’il reste un espoir, il faut remonter au camp avancé le lendemain et grimper ensuite, sachant qu’au mieux, les porteurs seront là le jour où l’on pense être au sommet.
C’est parti, météo au beau fixe, montée au camp avancé, les conditions de glace et de neige sont excellentes et les alpinistes progressent rapidement.
Les longueurs suivantes nous opposent de sérieuses difficultés, neige raide, glace inconsistante, rocher pourri et exposition sont au menu.
Bivouac dans la voie, réveil à 4h le lendemain matin pour une journée de grimpe technique :
Nous finissons la cascade technique et nous voila sur la rampe, au pied du beau pilier sommital. Les longueurs s’enchainent plutôt bien, mais cette partie, que nous imaginions presque skiable, est en fait un grand toboggan de glace bleu à 60/70°, qui nous défouraille les mollets !!! Toujours cet effet Himalaya !
Second bivouac à 6500m
Nous laisserons toutes les affaires au bivouac et nous tenterons un assaut au sommet avec le minimum, un thermos et une doudoune chacun.
Départ 5h, le terrain devient un peu plus compliqué, plus mixte. Les longueurs s’enchainent quand même, bien que notre rythme ralentisse. Nous sommes maintenant au pied du passage qui nous inquiétait. Un mur très raide, en rocher compact, d’une trentaine de mètres. Premier essai, le passage est trop complexe à protéger, le mixte trop difficile. A droite, il y a une fissure, on tente le coup. Avec un peu d’artif et d’escalade délicate, on parvient à passer, c’est le bonheur, la fin semble plus évidente. Quelques longueurs de neige plus loin, nous débarquons au col, avec un vent glacial. Le sommet est là, à portée de main !!! C’est magnifique, sur ce sommet isolé, à près de 7000m, on peut admirer une grande partie de l’Himalaya. C’est vraiment un moment particulier pour chacun d’entre nous, après tous ces efforts et ces journées d’attente. On restera environ 1h au sommet pour profiter de ce spectacle mais la réalité nous rattrape, il est 17H et il nous faut descendre de ce promontoire magique. La suite se passera sans trop de souci et c’est à 4h du matin, soit 24h après notre réveil que nous rejoindrons le camp avancé pour se reposer sereinement.
Une belle performance technique hors des sentiers battus.
Remerciements & photos : Matthieu Maynadier, Pamalade 2013